29 mars 2024

Dining and Dashing !

Aux États-Unis, un nouvel art de vivre se dessine dans les restaurants. Cela pourrait faire sourire, mais le sujet sera d’autant plus grave lorsqu’il finira fatalement, par arriver dans nos moeurs européennes, déjà fortement imprégnées par la culture américaine.

Ready… Go !!

Si l’on en croit « Le Monde Magazine N°104 », le guide gastronomique américain Zagat, vient d’ajouter une nouvelle règle au code de « bonne conduite de restaurant ». La n°8 : « Don’t overstay tour welcome at a busy restaurant » [ ne pas abuser de l’hospitalité dans un restaurant bondé de monde.]

Cette règle semble être tout droit sortie d’un manuel d’éducation civique, afin de rendre plus agréables nos relations sociales. Avec le regret de vous décevoir, nous allons découvrir une autre facette de cette maxime à la mode.
Son seul leitmotiv est la rentabilité absolue, ramenée à l’élimination illico presto de tout consommateur rassasié.

En effet, il est évident qu’il n’y a rien de vertueux, rien de pragmatique pour vos files d’attente, rien de confortable pour les fidèles clients, mais bien au contraire un objectif clair de rotation et d’optimisation pendant les périodes de pointe.

Le patron de Zagat, Tim, n’en revient pas. Soixante pour cent des clients interrogés trouve l’idée, de fixer un temps maximal, cohérente et évidente. Les restaurateurs vont pouvoir s’en donner à cœur joie. À New York, déjà, l’expression « Dining and Dashing » [ manger et se casser ] est usuelle.
Les sauvageons du marketing ont tenté le pire et ont réussi.
Désormais, l’« Ouste !! Dehors » sera perçu comme un art de vivre.

Si cette pratique s’installe chez nous, nous serons réduits au même titre que nos voitures, à faire le plein. Je trouvais que les restaurants « self-service » sur les aires d’autoroutes, avaient déjà fait table rase des restos routiers, de façon pitoyable, au profit d’une mécanisation déshumanisée accompagnée d’une nourriture insipide. Mais alors là, c’est le bouquet final. Pour reprendre l’expression de JP Géné, chroniqueur dans le Monde Magazine, « Protéines pour l’un, sans plomb pour l’autre ».

Description d’une anticipation… pas si futuriste que çà :

Vous mangez ce jour dans un restaurant. Top chrono, vous respectez le rythme imposé par les clients dociles qui ont adopté et enrichi le système. En tant que client fidèle, vous avez eu droit à une carte de forfait repas. Cette carte comptabilise votre présence à table. Ce mois-ci, vous avez eu droit à un report exceptionnel, car vous avez été le « plus rapide du mois » ces jours-ci. Votre estomac est malade, votre appétit est détraqué, votre poids augmente, mais vous avez plus de points « présence » sur votre carte que de forfait sur votre téléphone.
Vous vous asseyez toujours à la même table et votre serveur vous remercie. Grâce à vous, il cumule lui aussi des points liés à la fidélisation de vos comportements et se verra remettre le diplôme de l’employé du mois.

Presque rien n’a changé dans ce restaurant me direz-vous ! Si, peut être un détail… le menu !
Lui aussi s’optimise, car vos petites manies de rongeur prennent du temps. Hors de question de vous proposer des assiettes à risques. Rogner, décortiquer c’est de l’argent.
La maison préfère servir des simili-bouillies et se rue sur les gaspachos, soupes, risottos baveux et fromages blancs pour assurer une ingestion rapide et… rentable.

Au secours, quand on sait que manger doit comporter trois actes fondamentaux :
1 • Manger calmement. Regarder sa montre n’est pas la meilleure façon.
2 • Manger lentement. Vingt minutes sont nécessaires pour déclencher le phénomène de satiété.
3 • Manger chaud/froid et dur/mou. Une étude a démontré (sur les jeunes japonaises occidentalisées), que les mangeurs de mou et chaud ne brûlent aucune calorie pour fabriquer et monter leur bol alimentaire à 37°. Du coup, ces calories non dépensées associées à une alimentation riche en calories vides, accentue l’obésité.

Fuyons le fast-food me direz vous !
Pas si évident quand on sait que Gordon Ramsay, chef britannique multiétoilés et star de l’émission « panique en cuisine » a tenté lui aussi l’expérience, dans son restaurant gastronomique de New York, en imposant deux heures. Devant le tollé de remarques, il dût se résigner à abandonner… pour l’instant.

Soyons vigilants, sachant que tout cela me rappelle un peu trop les cantines scolaires.
Qui n’a jamais entendu « Allez vite, vite, y’a du monde derrière… »

Sources :
Zagat
Le Monde Magazine N°104
Lire aussi :
Un article de Laure Guilbault

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