1 décembre 2024

Les industriels regardent aussi Cash Investigation

Cette semaine de septembre 2016, Cash Investigation a fait sursauté la France entière en diffusant le documentaire « Industrie agroalimentaire : business contre santé« 

Quelques secrets de l’agroalimentaire sont dévoilés afin de mieux nous faire comprendre l’ampleur du phénomène et nous faire prendre conscience du manque de transparence de notre alimentation. Certes ce documentaire servira de déclencheur pour beaucoup d’entre vous, si ce n’était déjà fait, mais pour une majeure partie des consommateurs, ce documentaire accablant sera vite oublié lorsque le quotidien se réinstallera. Non parce qu’il manque d’intérêt, bien au contraire, mais parce que les industriels regardent Cash Investigation. Ils accusent le coup et s’adaptent.

Efficacité limitée.

Ce genre de documentaire est utile, mais choquant, terrifiant et frustrant, car le consommateur ne peut rester que passif devant un tel déballage de vérités et de scandales révélés. Non passif, par manque de réaction face aux secrets (ceux que l’on connait, car je vous assure que la panoplie est vaste), mais plutôt passif face aux actions à mener par la suite. Les ruses, les astuces et surtout l’usure du temps ont toujours raison de notre sens critique.

mccainRegarder par exemple l’étiquetage coloriel. Une bataille lancée il y a 16 ans, entre autres par Thierry Souccar et Isabelle Robard, est encore d’actualité. L’étiquetage coloré n’est pas la panacée des industriels certes, ils font tout pour le faire avorter ou le modifier à leur avantage. Leurs griefs envers ce système seraient qu’il est trop stigmatisant pour le produit. On se marre quand on sait qu’aujourd’hui les valeurs nutritionnelles sont illisibles, indéchiffrables pour un consommateur et surtout, surtout… sans intérêt. Qu’est ce que cela peut nous faire de connaitre la valeur de sucre ou de gras dans un produit en valeur journalière si la mention de l’index glycémique n’est pas mentionnée. Ce seul critère serait suffisant, mais il terrasserait 130 milliards de chiffre d’affaires pour l’agro par an d’un coup de baguette magique !! Bref, les industriels ne veulent pas de l’étiquetage proposé, mais les lobbies y travaillent quand même activement, au cas où la loi l’imposerait. Vous comprenez, ils travaillent sur les deux tableaux. Soit on n’affiche pas, soit on affiche selon des critères colorimétriques fantasques. Pour illustrer ce propos Thierry Souccar écrivait sur son Facebook après la diffusion du reportage ceci : « Voici un exemple de produit très bien noté (A) par l’étiquetage coloriel du PNNS, mais mal noté par mon équipe de LaNutrition.fr dans Le Bon Choix au supermarché. La raison : un aliment frit, beaucoup trop glycémiant, avec des additifs, des sucres et des arômes. L’étiquetage coloriel se trompe ainsi 1 fois sur 3 du fait de critères dépassés ou absents. – Mal noté dans Le bon Choix au supermarché, car Index Glycémique élevé + farines glycémiantes + produits de glycation + amidon de maïs + sucre (dextrine) + amidon modifié + carbonates de sodium + colorants. Herbes ? 0,1%« 

Une expérience longue à mettre en place.

C’est toute la démarche de mon livre « Je ne mange pas de produits industriels », toute la démarche de l’ancien formateur en changement de comportements alimentaires, toute la démarche du fondateur du mouvement « NON aux produits industriels » qui est au centre d’une seule question depuis 16 ans !! Je ne peux pas retranscrire les 300 pages du livre ici, mais l’idée sera listée.

Comment ne plus « INFORMER », mais « FORMER » le consommateur à lutter contre l’industrie agroalimentaire.

Des expériences comme la diffusion de ce documentaire, je l’ai vécu des dizaines de fois pour différents produits dénoncés dans des documentaires pour lesquels j’ai d’ailleurs participé devant ou derrière la caméra.

Mais qu’en était-il après, car les industriels regardent aussi les documentaires ?

• Ils apprennent à rebondir en brouillant les cartes, via des techniques de communication de crises :
Exemple du scandale de l’huile de palme. Il y a 15 ans, le consommateur averti avait entendu qu’une huile hydrogénée était mauvaise pour la santé, mais petit à petit, il entendait que l’huile de palme n’était pas la panacée. Qu’à cela ne tienne, d’une pierre deux coups. L’industrie agroalimentaire mentionne alors depuis « Huile de palme non hydrogénée ». Ouf le consommateur se sent rassuré… à tort. Une huile de palme n’a pas besoin d’être hydrogénée, son état naturel en a déjà toutes les caractéristiques techniques (support de cuisson, état solide…)
• Ou bien encore, en déplaçant le problème sur un produit tout en vendant une autre version :
Exemple du saumon de Norvège industriel. Il y a 8 ans, les Français se sont juré de ne plus acheter de saumon traité au DDT, venant des fermes de Norvège. Le boycott a duré quelques jours pour certains, de mois pour d’autres, mais par manque d’information, il faut bien finir par manger. Et là, qu’est-ce que l’on oublie ? Les préparations à base de saumons, comme les sushis. Quel beau stock a été écoulé chez les consommateurs qui ne savent pas que l’on ne consomme que des saumons (en France) ayant la mention saumon Label rouge en provenance d’Écosse par exemple).

Quelle solution ? 

Ainsi, pendant des années, j’ai appris à cerner le comportement, disons-le parfois schizophrénique du consommateur. Si nous prenons le cas du jambon rose. J’ai tenté lorsque j’accompagnais le lancement du Boucherie Bio en province de faire communiquer en magasin une information capitale. Les jambons cuits, déjà préparés sur place et cuits à la vapeur 54 heures seraient désormais sans « sels nitrités » et remplacés par du sel rose d’Himalaya. Quelle excellente idée !!? Eh bien non. 100% des clients (pourtant militants dans cette boucherie biologique) ont boudé ce jambon trop gris à leurs yeux !! Ce genre d’exemples j’en ai d’autres dans mon livre, alors que faire ?

Il n’y a pas de solutions miracles, car le consommateur doit s’impliquer, mais l’idée est simple : ne plus avoir à faire à l’industrie agro, aux grandes surfaces, au marketing de masse, aux produits transformés… En mangeant le plus sainement possible, avec des produits simples, non transformés par l’agro, sans additif, sans extrusion, intrusion, perfusion… on passe souvent pour quelqu’un de compliqué qui mange des choses bizarres… non, mais sans blague ! Comparons nos courses, on verra qui mange bizarre !

Si l’on remet les pieds dans des allées de grandes surfaces, le marketing continuera de nous flatter, de nous séduire, de nous convier à la table des nouveautés… en pratiquant une communication agressive basée sur « le doute« . Oui, les marques, les lobbies travaillent activement à nous faire douter des bonnes recommandations.  J’ai eu des élèves me dirent discrètement « Mais pourquoi devrais-je plus vous croire que les industriels ?« . Mais là on part vers de grandes phrases lyriques !

Allez, ressortez un cabas, un panier et allez respirer l’air dans les fermes et les marchés producteurs. Vos enfants, même s’ils râlent au début, vous remercierons à l’âge adulte…

EN SAVOIR PLUS SUR CE SUJET

Interview « Stop aux produits industriels »

Une réflexion sur « Les industriels regardent aussi Cash Investigation »

  1. Un long chemin militant et éducatif où il faut d’abord casser les dogmes construits par l’industrie agroalimentaire avant de réapprendre et de se réapproprier la façon de se nourrir. Les industriels s’adaptent … les consommateurs le peuvent aussi ! question de volonté …

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