28 mars 2024

Les habitudes alimentaires dans le monde #1

Sinon, c’est bientôt les fêtes, alors un petit dicton alors pour ces fêtes de fin d’année :
Les kilos pris pendant les fêtes ne se perdent jamais.
C’est ce qu’il fait que nous avons rarement le même poids à 20 ans et à 40
.
Pensez-y 🙂 et bonnes fêtes.

CUISINES ET CULTURES

A) L’ALIMENT DANS LE MONDE

Avant de tenter de comprendre le « trop » manger de nos sociétés, il faut observer à quoi correspond le schéma culturel de certaines civilisations. Au sens biologique, les interdits alimentaires n’existent pas. Ils prennent vie à travers les philosophies ou les religions. Les ethnologues précisent (§1) que l’appartenance à un groupe explique à lui seul le fonctionnement même d’un interdit alimentaire. L’impur ou le sacré entre en ligne de compte et les êtres humains dénigrent le porc ou divinisent la vache.
 
À travers l’histoire de l’humanité, c’est très récemment que nous avons pu réaliser à quel point nous nous étions éloignés de nos cultures de base. La notion de viande « carnée visible » n’existe plus (§2), les os ne sont plus visibles, les morceaux sont transformés. La bête n’existe plus et a été remplacée par des barquettes et des emballages, en aluminium, colorés. Les industriels ont transgressé une règle fondamentale dans la nouvelle façon d’alimenter les ruminants… avec des farines animales et nous l’avons payé cher. Loin des rituels d’abattages culturels – et à l’abri des regards indiscrets –, un « dénaturement » a conduit nos vaches à l’épidémie d’encéphalite spongiforme bovine.
 
La cuisine végétarienne (§3) n’est pas récente, elle remonte à la dynastie des Song (960-1279) chez les Chinois et appuyée par les pratiques ancestrales ayurvéda en Inde. Ces deux pays ont adopté, au fil du temps, un comportement alimentaire particulier pour profiter « pleinement » des bienfaits de leur alimentation à base de légumineuses/céréales. En Chine et au Japon, ils utilisent des sauces fermentées (soja, miso…) et en Inde, ils font tremper le mélange afin de favoriser la germination, garantie d’une meilleure assimilation par l’organisme.
Mais ce ne sont pas les seuls pays végétariens, les habitudes alimentaires des pays du monde se calquaient sur leurs « zones » cultivables. On découvre par exemple que dans les pays où le riz est couramment consommé, il n’y a pas de complément nutritionnel carné contrairement aux pays qui consommaient du blé ou du maïs. En d’autres mots, les consommateurs de riz consomment peu de viande. Pourquoi ? Parce que le riz est une céréale complète, nutritionnellement riche.
Toutefois, Loren Cordain (§4) précise «… de nombreuses populations consomment peu de graisse, beaucoup de sucres et peu ou pas de protéines animales. Paradoxalement, ceux-là souffrent dans de larges proportions de maladies dues à la résistance à l’insuline et connaissent des taux élevés de maladies cardio-vasculaires. Des études réalisées sur les populations hindoues du sous-continent indien, majoritairement végétariennes, ont mis en évidence un taux de mortalité dû aux maladies cardio-vasculaires aussi – voir plus – élevé que celui des pays européens, et ce, malgré leur régime végétarien. »
Retenez ceci (§5) :
« L’alimentation est le domaine de l’appétit et du désir gratifiés, du plaisir, mais aussi de la méfiance, de l’incertitude, de l’anxiété. »
C. Fischler, L’homnivore, Odile Jacobs, Paris 2001

B) LES REPAS DANS LE MONDE

Le repas existe-t-il encore dans certaines cultures ? C’est une question que l’on peut se poser quand on se penche sur les habitudes alimentaires des policiers américains mangeant dans leur voiture. C’est sans oublier les millions de sandwiches fabriqués et distribués dans le monde chaque jour. Nos vies bien remplies de stress ont du mal à conjuguer repas et table ou bien encore famille et travail. Le gagnant de tout cela reste souvent le couple réfrigérateur/micro-onde.
 
Le constat (§6) de ces changements est simple. Aux États-Unis, la prise de trois repas fermes attablés s’est transformée en une prise de vingt collations par jour. Cela arrive depuis dix ans en Europe, on mange partout, car les lieux se multiplient. Remontez une rue commerçante et comptez le nombre de lieux où vos yeux et votre estomac sont sollicités, si vous êtes à jeun ou si vous avez négligé votre dernier repas, vous n’y échapperez pas. Aucun lieu ne vous épargnera, les rues certes, mais aussi la plage, le cinéma, le métro, les gares, la télé, les jardins pour enfants et devant certaines églises ! Les lieux où l’on peut manger se multiplient comme des petits pains et la manière de manger se diversifient pour rendre nos aliments dépourvus d’assiettes sous forme de poches en aluminium, de tubes, de capsules, de blisters et toute forme nécessaire à l’acte de séduction producteur/consommateur.
 
La France ne semble (§7) pas suivre le modèle anglo-saxon, mais il semble que « la fréquence des prises de repas hors domicile augmente à moyen terme ». Pour s’adapter à la crise, l’industrie agroalimentaire va faire fondre ses prix pour s’adapter au marché des manges-debout. Precepta.fr (§8) estime qu’à ce jour, en France 1 repas sur 7 est pris à l’extérieur, en Grande-Bretagne 1 repas sur 3, aux États-Unis 1 sur 2 !
 
9ggv_Schemas201203Autre défi : « Coller aux nouvelles tendances de consommation ». Le snacking et la tendance « BVE » (bio, vert et équitable) s’ancrent de plus en plus dans les nouvelles façons de consommer des Français. Les conditionnements se sont adaptés aux lieux, les barres « énergies », les sachets de toutes formes, les gourdes à compotes, les boîtes à pique-nique et les fromages qui s’effilochent sous blister. Est-ce une réelle avancée ? Du point de vue technique, sûrement, on fait confiance à nos ingénieurs pour ne jamais être à court d’idées, mais du point de vue sociologique, il y a « carence » en la demeure.
Pourtant, le « snacking » où en français, le grignotage, est une pratique qui a toujours existé. La prise spontanée d’aliments (§9) individuelle et non conforme aux repas traditionnels, répond aussi à des besoins. Un vietnamien pratiquera le « manger pour s’amuser », un marocain trainera sur la place Djem El Fna, un japonais s’arrêtera à un « Tachigui » qui signifie « manger debout », un petit commerce ambulant courant au japon. Autant de lieux et de pratiques qui ne sont pas comparables aux soirées fast-food et aux plateaux télé. Ces gens échangent, font des rencontres spontanées tout en mangeant de façon diététique ! La palme revient peut-être aux Indiens des Andes qui associent leur besoin de grignotage aux grappillages de végétaux disponibles autour d’eau.
 
« L’ennui naquit un jour de l’uniformité », écrivit Antoine de La Motte-Houdar (§10). Les 7000 plats de la cuisine française de la fin du XIXe siècle son réduit en peaux de chagrin. Uniformité des chaînes franchisées, uniformité des goûts industriels et uniformité de quelques « spécialités » exotiques nous donnent des phrases du type « on se fait un chinois, un italien, un japonais ? », pour y manger des nems, des pâtes où des sushis.

Cappuccino viennois (§11), dim-sun chinois, pizzas napolitaines, döner-kebab allemand/turc, hamburgers américains sont devenus des « World Food » pour le plaisir des industries en manque d’imagination.
Nous disons ne pas en vouloir, mais nous finissons par y aller de temps en temps ! Schizophrénique ?

Claude Fischler* dit (§12)
« Les consommateurs sont soumis à un paradoxe. D’un côté, ils aiment la nouveauté – ils sont “néophiles” – et d’un autre côté, ils se méfient de ce qui est nouveau – ils sont “néophobes” – ».
 
Une chose est sûre, ou du moins elle en a l’apparence. Les généralisations et mondialisations des restaurants « modernes », basés sur les concepts au détriment des aliments, ont l’insolence de percées fulgurantes malgré une vision aseptisée et insipide de vos repas.

Comment est-ce possible ?
Grâce à vous, à nous tous si l’on ne fait pas attention. Il faut reconnaître que s’il y a « succès » c’est qu’il y a quelque part « besoin » (pour peu qu’il soir réel et non créé). Grâce aussi aux établissements traditionnels qui n’écoutent pas sa clientèle. Jean-Robert Pitte (§13) nous rappelle que cette situation ressemble étrangement à la querelle parisienne des traiteurs contre les restaurateurs, à la veille de la Révolution et insiste sur la globalisation en écrivant : « Si d’aucuns estiment qu’il y a péril en la demeure et que toute la richesse des cultures alimentaires de la planète risque de sombrer, il ne leur reste qu’à inventer des solutions qui comblent tous les appétits, stomacaux et culturels, de leurs contemporains, tout en s’adaptant à leurs possibilités économiques. Le restaurant a toujours été le règne de l’imagination ; il ne survivra que par elle ». À bon entendeur…

Si l’envie de cuisiner vous prend, en cuisine française, pour ma part j’ai jeté mon dévolu sur deux livres :
– « Tout ce que votre mère aurait dû vous apprendre en cuisine » de Kim Rowney, Éditions Marabout.
– « La cuisinière provençale » de J.-B. Reboul, Éditions P. Tacussel, édité pour la première en 1910 !

 


 Pour aller plus loin lisez Visio•Food, pages 11, 41, 48
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* Claude Fischler est un sociologue français directeur de recherche au Centre national de la recherche scientifique et codirecteur du Centre Edgar-Morin, dépendant de l’École des hautes études en sciences sociales. Co fondateur de l’Institut interdisciplinaire d’anthropologie du contemporain, il est par ailleurs, entre autres activités, membre du comité de rédaction de la revue scientifique Communications.

Sources :
1 Gilles Fumey et Olivier Etcheverria : « Atlas mondial des cuisines et gastronomies », éditions Autrement, Collection Atlas/Monde, pages 12,13
2 Fabrice Nicolino : « L’industrie de la viande menace le monde », éditions LLL
3 Gilles Fumey et Olivier Etcheverria : « Atlas mondial des cuisines et gastronomies », éditions Autrement, Collection Atlas/Monde, page 13
4 Loren Cordain est Ph.D., professeur de physiologie à Colorado State University, expert en nutrition paléolithique.
Extrait d’une interview disponible sur : http://www.nutranews.org/article.php3?id_rubrique=24&id_article=790
5 Gilles Fumey et Olivier Etcheverria : « Atlas mondial des cuisines et gastronomies », éditions Autrement, Collection Atlas/Monde, page 12
6 Gilles Fumey et Olivier Etcheverria : « Atlas mondial des cuisines et gastronomies », éditions Autrement, Collection Atlas/Monde, pages 15, 74,75
7 http://www.i-dietetique.com/?action=breves&id=7611, source www.precepta.fr
8 Selon une étude du cabinet Precepta, publiée le 22 janvier 2010 relayée par i-dietetique.com
9 Passage documenté avec l’excellent article de Sauveur Fernandez pour BioLinéaires de mars/avril 2010.
10 « L’ennui naquit un jour de l’uniformité »
Antoine de La Motte-Houdar (1672-1731) dans sa fable intitulée « Les amis trop d’accord »  
11 Gilles Fumey et Olivier Etcheverria : « Atlas mondial des cuisines et gastronomies », éditions Autrement, Collection Atlas/Monde, page 74
12 http://scienceshumaines.com/index.php?lg=fr&id_dossier_web=15&id_article=2913
13 Jean-Louis Flandrin : « naissance et expansion des restaurants », Chapitre XLI, extrait du livre « Histoire de l’alimentation » sous la direction de Jean-Louis Flandrin et de Massimo Montanari, page 777, Éditions Fayard.

Une réflexion sur « Les habitudes alimentaires dans le monde #1 »

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